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Fiscalité

Yachts, jets privés, lingots d’or… Ces actifs qui échappent au nouvel ISF

En se concentrant uniquement sur la pierre, le nouvel impôt sur la fortune immobilière va permettre à de nombreux biens d’échapper au nouvel ISF. Un vrai casse-tête politique pour les députés En Marche.

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jet privé, un Bombardier Global Express de 19 places.

Les jets privés (ici un Bombardier Global Express) seront exonérés d'ISF avec la nouvelle réforme fiscale.

(c) Sipa

La transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI) pourrait rapidement virer au cauchemar politique. Les remontées du terrain provoquent la panique chez les parlementaires de la majorité. En cause: ces signes extérieurs de richesse qui vont miraculeusement être effacés du patrimoine taxable des grandes fortunes, quand les classes moyennes aisées continueront à être imposées sur leurs appartements ou leurs maisons. « On n’a qu’une trouille, c’est que le syndrome des yachts nous explose à la figure, comme la loi Tepa et son bouclier fiscal avaient explosé au visage de Nicolas Sarkozy », confiait ainsi récemment à Challenges un député LREM.

De fait, le nouvel IFI se concentrera uniquement sur l’immobilier résidentiel ainsi que, comme le révélait Challenges, sur les SCPI, autrement dit la pierre papier. Exit donc les actions, les assurances-vie, les autres actifs financiers… Mais aussi tous les biens meubles qui jusqu’ici faisaient partie de la base taxable de l’impôt de solidarité sur la fortune comme les yachts, les jets privés, les chevaux de course ou encore les lingots d’or.

1,7 million d’ISF pour le yacht d’Arnault

Prenons un exemple concret avec le yacht de la première fortune de France Bernard Arnault, le Symphony, un superbe navire de 101,5 mètres de long. Le coût de fabrication de ce bijou maritime est estimé à 165 millions d’euros par nos confrères de Var Matin. Comme il a été construit en 2015 et qu’il n’est plus de première main, considérons qu’avec une décote de 30% sa valeur marchande actuelle est plus proche des 115 millions d’euros. Dernière hypothèse, estimons que le patron de LVMH ait payé d’une traite son bateau et en direct sans avoir emprunté d’argent. Avec une taxation à l’ISF de 1,5% sur le patrimoine net taxable supérieur à 10 millions d’euros, Bernard Arnault devrait en théorie payer un peu plus de 1,7 million d’euros d’ISF uniquement pour ce yacht.

Ce sera donc autant d’économisé avec le nouvel IFI. A titre de comparaison, sachant qu’un foyer fiscal imposé payait en moyenne 4.748 euros d’IR en 2016 selon les données de la DGfip, ces 1,7 million d’euros correspondent à l’impôt sur le revenu versé par plus de 360 contribuables lambda.  

Bien évidemment, l’exemple du yacht de Bernard Arnault est fictif. Déjà, l’ISF est plafonné de sorte que le fisc ne puisse pas prélever plus de 75% des revenus des contribuables. Et il est courant pour les grandes fortunes de se verser un revenu relativement faible afin de réduire la douloureuse. Ensuite, ces grandes fortunes ont l’habitude d’optimiser leur fiscalité. Elles peuvent ainsi créer une société qui exploitera le yacht en question en le louant, y compris à son propriétaire. Tant que le fisc considère que cette activité de location est réelle, cela fait mécaniquement sortir l’actif du patrimoine taxable au titre de l’ISF. En effet, le yacht sera alors considéré comme partie intégrante du patrimoine professionnel, qui n’est pas soumis à l’impôt sur la fortune. Cependant, « le plus courant est d’acquérir ce type de biens en location avec option d’achat, ce qui là encore fait sortir le bien du patrimoine tant que l’option d’achat n’est pas activée », souligne Jean-François Lucq, directeur de l’ingénierie patrimoniale chez KBL Richelieu.

80% du patrimoine épargné

Reste qu’avec le nouvel IFI, les milliardaires n’auront même plus besoin de montages fiscaux complexes et qu’ils seront les premiers avantagés par la réforme! « Pour les contribuables détenant plus de 10 millions d’euros d’actifs taxables à l’ISF, l’immobilier représente généralement 20% du patrimoine », confirme ainsi Jean-François Lucq. C’est donc 80% de leur assiette pour l’ISF qui va disparaître du jour au lendemain.

Pour Emmanuel Macron, dont l’IFI était l’une des promesses de campagne, l’équation politique s’annonce délicate. Jusqu’ici, l’exécutif justifiait la différence de traitement entre l’immobilier et les actions par la volonté de favoriser le capital « productif » au détriment du capital « improductif ». Au-delà du fait que l’argument était déjà particulièrement discutable, il devient politiquement inopérant lorsque les chevaux de course et les yachts font partie des actifs épargnés.

C’est pourquoi des parlementaires LREM réfléchissent à une parade et ne s’interdisent pas d’inclure des amendements pour corriger le tir. « Il y a un point de frottement qui nous soucie: le patrimoine qui n’est ni de l’immobilier ni des valeurs mobilières », a ainsi expliqué à Challenges Joël Giraud, rapporteur général du Budget (LREM) à la Commission des finances de l’Assemblée nationale. « Il s’agit des liquidités, de l’or, des signes extérieurs de richesses comme les yachts et les jets. A priori, ces biens sortent de l’impôt mais ce sera bien compliqué à justifier et pas très en ligne avec notre volonté d’exonérer l’épargne productive au service de l’économie. Nous creusons le sujet en commission et nous proposerons peut-être des amendements », ajoutait-il. Néanmoins, si une « clause yacht » devait voir le jour lors de l’examen du Budget, les parlementaires risqueraient de rouvrir un vieux débat sur l’intégration des œuvres d’art dans le nouvel ISF, alors qu’elles en sont exonérées depuis la création de l’impôt en 1982. Le chantier fiscal s’annonce plus que jamais explosif politiquement.

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